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POESIES

L'automne 

Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure ! 
Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! 
Salut, derniers beaux jours ! 
Le deuil de la nature 
Convient à la douleur et plaît à mes regards ! 

Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire, 
J'aime à revoir encor, pour la dernière fois, 
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière 
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois ! 

Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire, 
A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits, 
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire 
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais ! 

Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie, 
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui, 
Je me retourne encore, et d'un regard d'envie 
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !

Alphonse de Lamartine

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Ma Bohème

 Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ; 
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ; 
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées ! 

  Mon unique culotte avait un large trou. 
– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course 
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. 
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou 

 Et je les écoutais, assis au bord des routes, 
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes 
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ; 

 Où, rimant au milieu des ombres fantastiques, 
Comme des lyres, je tirais les élastiques 
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur ! 

Arthur Rimbaud 
France (1870)