Poésies
Poésies
Sonnet 18
Shall I compare thee to a summer’s day?
Thou art more lovely and more temperate:
Rough winds do shake the darling buds of May,
And summer’s lease hath all too short a date;
Sometime too hot the eye of heaven shines,
And often is his gold complexion dimm'd;
And every fair from fair sometime declines,
By chance or nature’s changing course untrimm'd;
But thy eternal summer shall not fade,
Nor lose possession of that fair thou ow’st;
Nor shall death brag thou wander’st in his shade,
When in eternal lines to time thou grow’st:
So long as men can breathe or eyes can see,
So long lives this, and this gives life to thee.
William Shakespeare (Angleterre, 1564-1616)
La tirade du nez de Cyrano
Ah non ! C'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire... Oh ! Dieu ! ... Bien des choses en somme.
En variant le ton, par exemple, tenez :
Agressif : "Moi, monsieur, si j'avais un tel nez Il faudrait sur-le-champ que je l'amputasse !"
Amical : "Mais il doit tremper dans votre tasse : Pour boire, faites-vous fabriquer un Hanap !"
Descriptif : "C'est un roc! ... C'est un pic! ... C'est un cap! ... Que dis-je, c'est un cap? ... C'est une péninsule!"
Curieux : "De quoi sert cette oblongue capsule ? D'écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ?"
Gracieux : "Aimez-vous à ce point les oiseaux Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes?"
Truculent : "Ça, monsieur, lorsque vous pétunez, La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée ?" Prévenant : "Gardez-vous, votre tête entraînée Par ce poids, de tomber en avant sur le sol !"
Tendre : "Faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane !"
Pédant : "L'animal seul, monsieur, qu'Aristophane Appelle Hippocampéléphantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d'os !" Cavalier : "Quoi, l'ami, ce croc est à la mode?
Pour pendre son chapeau, c'est vraiment très commode !"
Emphatique : "Aucun vent ne peut, nez magistral, T'enrhumer tout entier, excepté le mistral !"
Dramatique : "C'est la mer Rouge quand il saigne !"
Admiratif : "Pour un parfumeur, qu'elle enseigne !" Lyrique : "Est-ce une conque, êtes-vous un triton ?"
Naïf : "Ce monument, quand le visite-t-on ?"
Respectueux : "Souffrez, monsieur, qu'on vous salue, C'est là ce qui s'appelle avoir pignon sur rue !"
Campagnard : "Hé, ardé ! C'est-y un nez ? Nanain !
C'est queuqu'navet géant ou ben queuqu'melon nain !"
Militaire : "Pointez contre cavalerie !"
Pratique : "Voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot !"
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot:
"Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître A détruit l'harmonie ! Il en rougit, le traître !"
Edmond ROSTAND « CYRANO DE BERGERAC »
(1868-1918, France)
(Sans Titre)
Water, is taught by thirst.
Land — by the Oceans passed.
Transport — by throe —
Peace — by its battles told —
Love, by Memorial Mold —
Birds, by the Snow.
On apprend l’Eau par la soif.
La Terre — par les océans traversés.
La Jubilation — par les affres —
La Paix, par le récit des batailles —
L’Amour, par l’humus de la tombe —
Les Oiseaux, par la neige.
Emily Dickinson (1830-1886 Etats Unis)
L'automne
Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !
Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
J'aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois !
Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits,
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !
Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d'un regard d'envie
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !
Alphonse de Lamartine
(1790 - 1869 France)
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
–
Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
–
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !
Arthur Rimbaud,
Cahier de Douai (1870)