Poésies
Sonnet 18
Shall I compare thee to a summer’s day?
Thou art more lovely and more temperate:
Rough winds do shake the darling buds of May,
And summer’s lease hath all too short a date;
Sometime too hot the eye of heaven shines,
And often is his gold complexion dimm'd;
And every fair from fair sometime declines,
By chance or nature’s changing course untrimm'd;
But thy eternal summer shall not fade,
Nor lose possession of that fair thou ow’st;
Nor shall death brag thou wander’st in his shade,
When in eternal lines to time thou grow’st:
So long as men can breathe or eyes can see,
So long lives this, and this gives life to thee.
William Shakespeare
Sonnet 18
Te comparerai-je à un jour d’été ?
Tu es plus aimable et plus tempéré.
Les vents violents font tomber les tendres bourgeons de mai,
Et le bail de l’été est de trop courte durée.
Tantôt l’œil du ciel brille trop ardemment,
Et tantôt son teint d’or se ternit.
Tout ce qui est beau finit par déchoir du beau, dégradé,
Soit par accident, soit par le cours changeant de la nature.
Mais ton éternel été ne se flétrira pas
Et ne sera pas dépossédé de tes grâces.
La mort ne se vantera pas de ce que tu erres sous son ombre,
Quand tu grandiras dans l’avenir en vers éternels.
Tant que les hommes respireront et que les yeux pourront voir,
Ceci vivra et te donnera la vie.
William Shakespeare
Le Chat
Sur la couette, la grassouillette minette
paraît rêver à son dîner,
jolie souris, ou coupe de lait...
Mais peut-être qu'en fait
en esprit elle bondit,
libre, intrépide et rétive
sur la terre où ses ancêtres,
sveltes et lestes,
rugissaient,
combattaient et festoyaient
en dévorant tendre chair humaine
et délectables bêtes sauvages,
dans leur antre, en Orient
Lionne géante,
aux griffes d'acier,
crocs terribles et sans pitié,
dans sa gueule sanglante...
Panthère mouchetée,
aux pas légers et feutrés,
glisse, élastique,
et bondit sans bruit
sur sa proie dans les bois
dangereux et ténébreux...
Libres et hardis,
si lointains aujourd'hui...
mais aussi domptée soit-elle,
ne croyez pas qu'elle les oublie...
la grassouillette minette
sur sa couette
que vous gardez dans votre foyer !
JRR Tolkien, 1956 (Angleterre)
Chanson d’automne
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Paul Verlaine
Poèmes saturniens (1866)
L'automne
Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !
Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
J'aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois !
Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits,
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !
Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d'un regard d'envie
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !
Alphonse de Lamartine
(France, 1790-1869)
Ma Bohème
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !
Arthur Rimbaud
Cahier de Douai (1870)